Immersion pendant quelques heures le 19 septembre à la Cour d’assises du Tarn : j’ai été tirée au sort « jurée suppléante ».Je partage cette expérience : vous le serez peut-être un jour.
La lettre est arrivée pendant mes vacances. Glissée entre mes factures. En en-tête : Tribunal de justice du Tarn. Convocation lundi 19 septembre 9h. Plus loin : « sous peine d’une amende pouvant atteindre 3750 € ». Le reste m’informe de l’affaire : j’ai donc été tirée au sort pour être jurée d’assise (suppléante) dans le cadre d’un procès que je saurai plus tard être « hors norme ». Hors norme par la gravité des faits et par sa durée : 3 semaines. Pour ceux qui ne regardent pas de série policière ou ont séché le cours de droit, petit rattrapage sur le statut de « juré(e) »…
Juré(e), un devoir et une chance
Les journaux locaux en ont fait leur une le vendredi précédent mon rendez-vous : « procès sous haute tension pour les assassins à la burqa ». J’ai vraiment tiré le gros lot ! L’affaire remonte à 2017, il s’agit d’un règlement de compte sur fond de trafic drogue dans un quartier de Toulouse. Un mort et plusieurs blessés. La cour d’assises du Tarn doit rejuger en appel cinq personnes incarcérées dont une à perpétuité.
Je ne suis pas seule à avoir reçu cette convocation. Ce lundi, une quarantaine de personnes venant de tout le Tarn – Castres, Mazamet, Réalmont… – sont rassemblées au Tribunal de Justice d’Albi. Juré principal ou suppléant, nous avons tous été informés de notre devoir de citoyen pendant l’été. Obligation nous était faite d’en accuser réception et de nous présenter ce jour, sous peine d’une amende. La Cour d’assises a son langage et ses codes. Un coup de sonnette retentit et nous devons nous lever à l’unisson. Madame la Présidente et ses assesseurs font leur entrée. Une huissière passe dans les rangs, récupère nos convocations, répond à quelques questions. La greffière commence à faire l’appel pour vérifier la présence des personnes convoquées, leur identité et leur disponibilité. Objectif : réviser la liste des jurés dont les noms seront mis dans l’urne cet après-midi et à partir de laquelle seules 9 personnes seront tirées au sort. Pour ma part, indépendante et journaliste de terrain, je dois demander une dispense… qui me sera accordée. Mais la matinée que j’ai vécue au Tribunal de justice a titillé mon envie d’en savoir plus sur le fonctionnement de la justice. D’ailleurs à la fin de sa « conférence », la présidente qui a pris le temps revenir nous donner un petit cours de droit et répondre à nos nombreuses questions, de demander : « alors, vous avez envie d’être tirés au sort ? C’est une chance de vivre une expérience unique ! »
Juré, des obligation et des droits
Les jurés tirés au sort deviennent membres de la cour. Ils s’assoient à la tribune, derrière les assesseurs et la présidente.
Ils ont l’obligation de :
- Être attentif au débat. C’est un minimum, mais rester assis et concentré une journée entière, pas toujours simple ! « Prenez une bouteille d’eau, bougez sur votre chaise, ou même demandez une petite interruption si besoin pour sortir », conseille Mme Ratinaud, la présidente.
- Ne pas exprimer son opinion, ni via une question, ni physiquement.
- Être ponctuel. Arriver 15 minutes avant le début du procès, prévenir en cas de problème sur la route…
- Ne pas communiquer avec les parties : ni avocat, ni famille des accusés. Faire attention quand vous parlez entre jurés. C’est pour cela que l’entrée et la vie des jurés doit se passer de l’autre côté du Tribunal, dès que démarre le procès…
Ils ont le droit de :
- Prendre des notes. Ce n’est pas obligatoire, mais conseillé, surtout lors d’un procès de 3 semaines… « Il faut se rappeler que dans une cour, tout est basé sur l’oralité, les décisions sont prises sur ce qui a été entendu. Pour preuve, dans la salle des délibérés, on ne prend pas de dossier !
- Poser des questions. Vous avez bien sûr le droit de poser des questions, à l’oral ou par écrit en passant un mot à la présidente. Mais les moments de pause/ débrief en salle de délibéré sont aussi des moments opportuns pour le faire.
- A part aux parties, de parler du procès à famille ou amis : le procès est public.
3 conseils si vous êtes convoqués !
Vérifier la durée de l’affaire : si vous êtes tiré au sort et faites partie des jurés définitifs, vous devrez participer à toute l’affaire et donc vous présenter chaque jour au Tribunal. Mieux vaut prendre ses dispositions !
Pensez à vos frais de déplacement : une indemnisation est proposée pour frais de déplacement et pour compenser votre journée non travaillée sur justificatif de l’employeur. Même si vous venez à vélo et que vous êtes indépendant, vous êtes susceptible d’être indemnisé par journée passée. N’oubliez pas de fournir un RIB.
En cas d’impossibilité pensez à vous justifier : si votre état de santé ou votre activité professionnelle est incompatible avec le calendrier prévu, il vous faudra envoyer un justificatif avec l’accusé de réception de la convocation.
*La cour d’assises est l’instance qui juge les faits les plus graves : viols, braquages, meurtres…