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La Chronique de Mariannick n°1

Soulignée par le port du masque, la vision du bébé est un sens qui prend encore plus d’importance aujourd’hui. Si votre bébé est né dans un monde masqué, ne vous inquiétez pas pour lui, mais accompagnez-le à développer ses compétences visuelles.

Des mamans ont accouché avec lui sur le nez, des papas ont rencontré leur bébé avec : depuis bientôt 1 an, le masque fait partie de nos vies !  Si le masque s’explique médicalement, il questionne dans ce qu’il offre aux bébés comme nouvel objet dans la relation. Une partie des mimiques faciales nécessaires à la communication non-verbale est cachée. Alors, comment bébé décrypte les messages qu’on lui transmet, comment comprend-il les codes de la communication humaine ? Que provoque chez lui ce visage troublé ? Faut-il s’inquiéter d’effets néfastes sur son développement et notamment sur celui de ses compétences sociales et émotionnelles ?  Va-t-il perturber sa capacité à transmettre et comprendre ce qui se joue entre lui et l’autre ?

Il reste en tout cas le regard ! Les spécialistes de la petite enfance et de la périnatalité ont depuis longtemps mis en évidence les fonctions essentielles des yeux et du regard dans le développement globale et spécifique du bébé et ce même avant la naissance. Bébé se construit dans l’échange de regard entre lui et son parent.

L’essentiel à retenir

On peut accompagner son bébé à développer ses compétences visuelles, en faisant des mimiques que bébé pourra reproduire très tôt. Dès 5 mois, on peut lui présenter des objets, les cacher puis lui faire retrouver en les recouvrant partiellement et en laissant une partie visible. Vers 8 mois, vous pouvez prendre la place de l’objet, vous couvrir le visage et vous découvrir dans un grand « coucou » qui fait exploser de rire (de soulagement) le bébé. A 12 mois, le jeu du miroir a un rôle essentiel dans la conscience de lui-même : le bébé se voit regarder par son parent. N’hésitez pas dès lors à le nommer, vous nommer, passer vos yeux de vous à lui par ce miroir et à le pointer.

Retenez que si ce monde rythmé par le Covid nous effraie, nous déstabilise, nous questionne, nous stresse, bébé n’a pas les mêmes ressentis : c’est son univers. Ses formidables capacités d’adaptation et de créativité ainsi que sa fabuleuse énergie vitale lui feront traverser ce monde sans plus de dommage que ceux nés dans le monde d’avant. Il avancera, suivi, guidé, porté par vos yeux

Que voit bébé à la naissance ?

Les compétences visuelles du bébé naissent dès la vie utérine. Le développement visuel est en fait très précoce comparé aux autres mammifères. A la naissance, le bébé ne voit pas au-delà de 75cm mais voit très bien tout ce qui se trouve à 20, 30cm. Des observations menées dans les maternités ont montré comment le nouveau-né dans les premières minutes de vie s’accroche intensément au regard de sa mère. On a cru longtemps qu’ils ne voyaient rien

Eh bien si, aussitôt né, posé sur sa poitrine (lorsque l’accouchement s’est bien déroulé), il regarde sa mère le regarder. Ce premier regard c’est la confirmation de sa venue au monde. Et s’il est au monde c’est parce que vous êtes son parent. Ce double regard fait naître la fonction parentale : vous êtes parents puisque vous le regardez, lui, qui vient de naître au monde et vous regarde.

Dès 2 mois : jouer avec les mimiques

Au fil des premières semaines et premiers mois, le bébé développe son acuité visuelle, son champ de vision et sa perception des couleurs. Par exemple, il reconnaît le visage de ses parents vers 2 mois, à 3 mois il perçoit mieux les détails, à 6 mois il perçoit toutes les couleurs et le relief, à 7 mois il identifie la distance… On peut accompagner son bébé à développer ses compétences visuelles. Tout d’abord en offrant son visage à explorer, en faisant des mimiques que bébé reproduit très tôt. On l’aide à identifier ce qu’il perçoit, on nomme les personnes et les objets, on le laisse explorer en utilisant tous ses sens. Par les yeux, bébé apprend. Entre 1920 et 1960, le psychologue Jean Piaget centre ses recherches sur l’établissement des étapes du développement de l’enfant. Dans ses recherches et expériences, le regard a une place centrale dans les processus de construction de l’intelligence de l’enfant. Ainsi, avant 4 mois et demi, si un objet présenté au bébé disparaît de son champ de vision, il s’en désintéresse immédiatement. Il ne le cherche pas ni ne manifeste une quelconque envie de le retrouver. L’objet n’existe plus. C’est ce que les psys appellent « la permanence de l’objet ». Jusqu’à 18 mois voire 24 mois, le bébé va traverser différents stades qui montrent petit à petit comment l’objet présenté puis caché existe toujours à ses yeux. Il va d’abord effectuer des mouvements oculaires quelques secondes après la disparition de l’objet, puis plus longtemps. Puis il sera capable de trouver l’objet présenté, seulement en repérant un bout de cet objet. Il pourra anticiper ses mouvements (les autres sens entrent en jeu) jusqu’à chercher par lui-même à retrouver cet objet qui même absent garde une représentation. Le bébé, à ce moment-là, se représente le monde, le monde est dans sa tête.

Dès 5 mois : le « coucou-caché »

Le stade de la permanence de l’objet symbolise comment la représentation de l’objet permet de se séparer de lui dans la réalité. Le travail de séparation parent-enfant passe par ce jeu de coucou/caché. Vous pouvez jouer avec votre bébé autour de la permanence de l’objet. Dès 5 mois, en lui présentant des objets que vous cachez puis retrouver puis que vous recouvrez en laissant une partie visible. Vers 8 mois, vous pouvez prendre la place de l’objet, vous couvrir le visage et vous découvrir dans un grand « coucou » qui fait exploser de rire (de soulagement) le bébé. Ouf, tu es revenu. Vous pouvez aussi couvrir le visage de bébé. Vous remarquerez qu’il suffit que bébé se cache les yeux pour être persuadé qu’il a totalement disparu.

En grandissant, tous les jeux de coucou/caché ou de cache-cache seront des moyens très utiles pour que bébé symbolise votre absence et la supporte ; notamment vers 8-9 mois, quand bébé se différencie d’autrui et que surgit « la peur de l’étranger ». Cela nous amène à cette autre fonction du regard que l’on appelle la conscience de soi. Avant 4 mois et demi, si bébé n’a pas conscience de cette permanence des objets il n’a pas non plus conscience de sa permanence à lui. Il ne se distingue pas d’autrui. C’est vers 8 mois qu’il se différencie de l’autre. Alors, si maman et papa ne sont pas collés à lui, que se passe-t-il quand ils ne sont pas là et qu’un étranger apparaît ? L’absence du parent crée l’angoisse, mais c’est une angoisse constructive : bébé est un être entier séparé et différencié de l’autre. Il va apprendre à faire avec.

12 mois : la découverte face au miroir

A 12 mois, bébé se reconnaît dans le miroir. Les études montrent que face à lui, bébé abandonne son intérêt pour les objets. Il se regarde et regarde l’adulte ou l’autre qui l’accompagne. Par l’échange de regard, c’est la relation qui s’établit. Le jeu du miroir a un rôle essentiel dans la conscience de lui-même : le bébé se voit regarder par son parent qui le nomme. N’hésitez pas dès lors que bébé accroche son regard dans le miroir, de le nommer, de vous nommer, de passer vos yeux de vous à lui par ce miroir, de le pointer du doigt

Bébé comprendra petit à petit qu’il existe, que ce corps est à lui, qu’il est un être entier, en lien avec les autres et le monde. Il s’identifie à lui-même. En grandissant, votre bébé développe « la pulsion de voir » ou « pulsion scopique ». Cette pulsion témoigne de l’intérêt que votre bébé porte sur lui, les autres et le monde. Il veut tout voir, sans retenue ni pudeur et a un plaisir immense à dévorer lui-même, les objets, les autres et le monde des yeux. On sait alors que bébé a une vie interne émotionnelle et affective qui vient influencer son action sur le monde. Et par votre regard bienveillant, compréhensif, rassurant et contenant, votre bébé fera ses expériences en toute sécurité.

Il faut retenir que si ce monde rythmé par le Covid nous effraie, nous déstabilise, nous questionne, nous stresse, bébé n’a pas les mêmes ressentis : c’est son univers. Ses formidables capacités d’adaptation et de créativité ainsi que sa fabuleuse énergie vitale lui feront traverser ce monde sans plus de dommage que ceux nés dans le monde d’avant. Il avancera, suivi, guidé, porté par vos yeux.

Cette chronique vous est proposée par Mariannick Lottin.

Mariannick Lottin est psychologue de l’enfant et de l’adolescent à l’Hôpital du Bon Sauveur. Elle vient par ailleurs de créer une activité libérale spécialisée dans l’accompagnement à la parentalité sur Albi : « Les ateliers bébé zen ». Animatrice en baby yoga certifiée par Graine de massage, elle souhaite aider les parents et futurs parents à créer un lien précoce avec leur bébé et propose de nombreux ateliers parents-enfants (ateliersbebezen).

Crédit photos : Pexels et Pixabay